Alain SEVE   Actualité   Trio Horizon Musique   Ensemble KAN   Duo Alto - Clarinette   JAZZ   Discographie   Le paradoxe de la clarinette   Liens
 
Introduction
Chapitre 1
  L'acoustique de la clarinette
Chapitre 2
  Le mécanisme de production
du multiphonique.
Chapitre 3
  Les détimbrés, les micro-intervalles et les 1/4 de tons.
Chapitre 4
  Les multiphoniques.
Annexe
Bibliographie
Tableau 1
Tableau 2
Tableau 3
Tableau 4

et des autres anomalies sonores

 

§1 LA POUSSÉE PHYSIASMIQUE

 Du grec jusiasmoV, qui désigne tout ce qui concerne le souffle utilisé par le  musicien pour faire sonner son instrument (Cf. Aristote - Problèmes 11, 41), la poussée physiasmique désigne l'ensemble des phénomènes qui accompagnent la production du flux aérien nécessaire à la mise en régime du système excitateur : l'anche.

On désigne deux moments physiologiques spécifiques : le moment de production et le  moment de régulation.


§2.1 L'ACTIVITÉ RESPIRATOIRE : "moment de production"

 C'est la ventilation obtenue par l'action conjuguée du diaphragme et des muscles abdominaux. Le muscle principal de l'inspiration est le diaphragme dont la contraction abaisse la partie centrale comme un piston qui descend dans un cylindre, agrandissant ainsi la  cavité thoracique vers le bas. Lors de l'expiration, les muscles de l'abdomen, entrant en  activité, font remonter le diaphragme en augmentant la pression intra-abdominale ; la  ventilation ainsi obtenue peut dépasser 70 à 90 litres par minute.

(Cf. J.H. COMROE - La physiologie de la respiration - Ed. Masson - 1967 - ; M. FAULKNER & E.P. SHARPEY - SCHAFER - "Circulatory effects of trumpet playing" in Brit. Med. Jour. 1. - p. 685/686 - 1969 - ; M. RICQUIER - Traité Méthodique de Pédagogie Instrumentale - Paris - 1976 )

Le débit de cette ventilation varie en fonction du registre et de la dynamique utilisés. La différence de capacité de durée entre une note grave et une note aiguë prouve que la  consommation d'air est plus importante dans les registres supérieurs. Ce qui a pour effet secondaire de rendre plus aisée la respiration circulaire (souffle continu, Cf. Annexe) dans le  registre du chalumeau.

§2.2 L'ACTIVITÉ BUCCALE : "moment de régulation"

 Pour moduler la pression et le débit, l'instrumentiste fait varier le degré d'ouverture de la gorge et le volume de la cavité buccale. Le musicien associe à la régulation de la pression physiasmique la souplesse d'embouchure qui permet d'ajuster la position (+/- de bec) et la  pince (+/- forte) selon la catégorie du son multiple.

En conclusion, la simultanéité ou l'indépendance d'émission stable multiphonique dépend de la faculté d'adapter la poussée physiasmique à toutes les catégories de  multiphoniques.


 §3.1 CONTROLE D'OUVERTURE DE LA GORGE ET DU VOLUME DE LA CAVITÉ BUCCALE

 L'espace volumique de la cavité "buccale" s'étend : en longueur, des lèvres aux cordes vocales ; en largeur, d'une joue à l'autre ; en hauteur, de la langue au palais. Pour des raisons de stabilité du masque, la position des joues doit restée fixe et tendue (sauf dans le cas de la  respiration circulaire où elles servent de réserve d'air).

Les cordes vocales tendent à agrandir considérablement le volume de la cavité buccale en s'animant d'un important mouvement de recul, et ce de manière quasi réflexe, lors de l'émission des registres aigus (Cf. J. MARCHI - "Mesures de pression statistique sur la  clarinette" in Revue du CENAM - Paris - Avril 1985 ) . Seule la distance de la langue au  palais et le degré d'ouverture de la gorge peuvent se maîtriser consciemment.

§3.2 NOTIONS DE PHONÉTIQUE

 Dans tout langage, on constate une articulation de sons musicaux (voyelles) et de sons bruits (consonnes) et il est possible de prononcer un son musical (voyelle) à l'état pur, par exemple [e], mais il est impossible de prononcer un son bruit (consonne) sans le support d'un  son musical, par exemple [k] = "ke" ou [d] = "de".

La langue crée dans la cavité buccale, un résonateur de tel volume correspondant à la production des formants nécessaire à l'articulation de tel son musical.

Ce volume buccal dépend de la place de la langue et de sa distance au palais que l'on nomme "aperture" (degré d'ouverture).

Le siège de l'aperture, endroit où se rétrécit le canal buccal est le point d'articulation. Au niveau du palais, on peut déterminer deux zones d'articulation : l'une vers l'avant (palais dur), l'autre vers l'arrière (palais mou/voile du palais).

Le son [a] est celui qui possède la plus grande ouverture, le son [u] (prononcé 'ou' opposé à [ü] prononcé 'u') présente un canal buccal rétréci au niveau du voile du palais, le son [i] présente un rétrécissement au niveau du palais dur, etc...

On peut classer ainsi les voyelles selon le point d'articulation et l'aperture qu'elles exigent.

ARTICULATION APERTURE

 [a] médiane maximum

[e] avant/palais dur moyenne

[i] avant/palais dur minimum

[o] arrière/palais mou moyenne

[u] arrière/palais mou minimum

Le report sur un graphique du point d'articulation de chaque voyelle, crée le "triangle vocalique" (Cf. J. Marouzeau - "Le triangle des voyelles" in Lexique de Terminologie Linguistique p.232-233 - Ed. Geuthner - Paris 1969) :

 

Le schéma obtenu correspond à la progression de la langue dans la cavité buccale, de la  position la plus fermée en avant à la position la plus fermée à l'arrière.

 

La référence aux voyelles permet de modifier consciemment le volume de la cavité buccale, et donc de changer sensiblement le timbre, la couleur, la justesse d'un son et de  soutenir l'embouchure. C'est par la pratique empirique que chaque musicien peut adapter sa morphologie et maîtriser cette technique dite de "vocalisation".

§3.3 APPLICATION INSTRUMENTALE

 Au niveau du "moment de production" la bonne gestion de la pression des muscles abdominaux, associée à cette technique dite de vocalisation, permet de produire, sans changer le doigté naturel, tous les composants (partiels, harmoniques) du fondamental à l'image d'un  trompettiste. Cette technique des "sauts d'harmoniques" est utilisée pour isoler ou combiner les éléments d'un multiphonique stable ou choisir les régions d'un multiphonique instable de forte densité. En effet, d'un doigté multiphonique stable, il est possible d'isoler chacun des composants de l'accord en faisant varier l'ouverture de la gorge, le volume de la  cavité buccale et la conduite de la poussée physiasmique, graduellement en s'aidant du triangle vocalique, la position des voyelles les plus fermées [u] et [i] correspondant aux sons des registres aigu et suraigu, la position de la voyelle la plus ouverte [a] aux registres médium et grave. Les degrés d'ouverture intermédiaire permettent l'émission simultanée des éléments du multiphonique.

Il est à remarquer que les degrés d'ouverture choisis changeront d'un musicien à l'autre, la physiologie et la morphologie de chacun entraînant de sensibles variations combinatoires, tout en respectant les principes déjà cités.

Nous traiterons de l'application instrumentale spécifiquement à chaque catégorie de  son multiple décrite par la suite.

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